L'artiste face aux questions (6)

Comment se prépare-t-on à monter sur scène ? 

Mon souci est la mémorisation de mes textes. Depuis plus de quarante ans je bricole mes chansons, retrouvant celle-ci, modifiant les couplets, reprenant celle-là, remplaçant la mélodie... Quelquefois je change, dix ans, vingt ans après, un seul mot.

Sur scène, la concentration sur le vrai texte, la dernière mouture, doit être parfaite. Mais, simultanément, l'attention est permanente : les doigts sur les cordes de la guitare, le clavier de Bernard Souverain, le son du retour, les petits bruits de la salle où, invisible, frémit, respire, tousse, bouge, murmure le public.

Cet équilibre entre la concentration, toute interne, et l'attention, toute extérieure, est fragile. Une pensée interlope et le vrai texte m'échappe. Je passe beaucoup de temps à mémoriser pour arriver à ce que cette affaire-là n'en soit plus une ! Comme pour le doigté sur l'instrument, que tout devienne automatique.

Alors, rassuré par cet automatisme, l'interprétation trouve sa place : réveiller une émotion, pour que vienne le sourire, le rire, la grimace, le pleur...